La protection des océans : un défi juridique mondial

Face à la dégradation alarmante des écosystèmes marins, le droit international se mobilise pour sauvegarder nos océans. Entre conventions ambitieuses et difficultés d’application, la protection juridique des mers reste un enjeu crucial pour l’avenir de notre planète.

Les fondements du droit international maritime

Le droit international maritime s’est construit progressivement au fil des siècles. La Convention des Nations Unies sur le droit de la mer (CNUDM), signée en 1982 à Montego Bay, constitue aujourd’hui le texte fondamental en la matière. Elle définit les différentes zones maritimes et leurs régimes juridiques, établissant ainsi un cadre pour la gestion et la protection des océans.

Cette convention reconnaît notamment le concept de Zone Économique Exclusive (ZEE), s’étendant jusqu’à 200 milles marins des côtes, où les États exercent des droits souverains sur les ressources naturelles. Au-delà, la haute mer est considérée comme un bien commun de l’humanité, ce qui soulève des défis particuliers en termes de protection.

Les menaces pesant sur les océans

Les océans font face à de multiples menaces d’origine anthropique. La surpêche met en péril de nombreuses espèces marines, perturbant les écosystèmes. La pollution plastique atteint des niveaux alarmants, formant de véritables continents de déchets. Le changement climatique entraîne l’acidification des océans et la hausse du niveau des mers, menaçant la biodiversité et les populations côtières.

Face à ces défis, le droit international tente d’apporter des réponses. Des accords spécifiques ont été conclus, comme la Convention sur la diversité biologique ou l’Accord de Paris sur le climat, qui incluent des dispositions relatives à la protection des océans.

Les instruments juridiques de protection

Plusieurs outils juridiques ont été développés pour protéger les océans. Les aires marines protégées (AMP) permettent de préserver des zones particulièrement sensibles ou riches en biodiversité. La création d’AMP en haute mer reste un défi majeur, nécessitant une coopération internationale renforcée.

La lutte contre la pêche illégale, non déclarée et non réglementée (INN) fait l’objet d’efforts importants. L’Accord sur les mesures du ressort de l’État du port, entré en vigueur en 2016, vise à empêcher les navires pratiquant la pêche INN d’utiliser les ports et de débarquer leurs captures.

La protection des espèces migratrices est assurée par la Convention sur la conservation des espèces migratrices appartenant à la faune sauvage (CMS), qui prévoit des mesures de conservation et de gestion coordonnées entre les États.

Les défis de la mise en œuvre

Malgré l’existence de nombreux instruments juridiques, leur mise en œuvre effective reste problématique. Le manque de moyens de contrôle en haute mer rend difficile la lutte contre les activités illégales. La fragmentation du droit international de l’environnement, avec une multitude d’accords sectoriels, complique la cohérence des actions.

La question de la responsabilité des États en cas de dommages environnementaux transfrontaliers reste un sujet de débat. Le principe du pollueur-payeur, bien qu’admis en théorie, se heurte à des difficultés pratiques d’application dans le contexte maritime international.

Vers un nouveau traité sur la haute mer

Reconnaissant les limites du cadre juridique actuel, la communauté internationale négocie depuis 2018 un traité sur la conservation et l’utilisation durable de la biodiversité marine des zones ne relevant pas de la juridiction nationale (BBNJ). Ce futur accord vise à combler les lacunes de la CNUDM en matière de protection de la biodiversité en haute mer.

Les négociations portent sur quatre thèmes principaux : les ressources génétiques marines, les outils de gestion par zone, les études d’impact environnemental, et le renforcement des capacités et transfert de technologies marines. L’adoption de ce traité représenterait une avancée majeure pour la gouvernance des océans.

Le rôle croissant du droit régional

Face aux difficultés d’action au niveau global, les approches régionales se développent. Les conventions de mers régionales, comme la Convention OSPAR pour l’Atlantique Nord-Est ou la Convention de Barcelone pour la Méditerranée, permettent une coopération plus étroite entre États voisins.

L’Union européenne joue un rôle moteur avec sa politique maritime intégrée et sa directive-cadre stratégie pour le milieu marin. Ces instruments visent à atteindre un bon état écologique des eaux européennes d’ici 2020, un objectif ambitieux qui nécessite des efforts soutenus.

L’émergence de nouveaux acteurs et concepts

La protection des océans voit l’émergence de nouveaux acteurs et concepts juridiques. Les organisations non gouvernementales jouent un rôle croissant, en tant qu’observateurs dans les négociations internationales ou en intentant des actions en justice pour défendre l’environnement marin.

Le concept de droits de la nature, reconnaissant une personnalité juridique aux écosystèmes, gagne du terrain. Certains pays, comme la Nouvelle-Zélande, ont accordé un statut juridique à des fleuves ou des zones côtières, ouvrant la voie à une protection renforcée.

La notion de patrimoine commun de l’humanité, appliquée aux fonds marins au-delà des juridictions nationales, pourrait être étendue à la biodiversité marine, renforçant ainsi sa protection juridique.

La protection juridique des océans a connu des avancées significatives ces dernières décennies, mais reste confrontée à d’importants défis. L’adoption d’un traité sur la biodiversité en haute mer et le renforcement de la coopération internationale sont essentiels pour préserver ces écosystèmes vitaux. L’évolution du droit maritime devra s’adapter aux enjeux émergents, comme l’exploitation des ressources des grands fonds ou les conséquences du changement climatique, pour assurer une protection efficace et durable de nos océans.